Un éléphant tissé dompté par la manufacture royale de Beauvais
Tapisserie de la Manufacture de Beauvais, Grotesques à fond jaune et tabac, d’après un carton de Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699), inspirée des gravures de Jean Berain Ier (1640-1711). Tissée en laine et soie, époque Louis XIV, fin du XVIIe ou début du XVIIIe siècle, 300 x 450 cm.
Estimation : 50 000/80 000 €
À partir de 1689, la Manufacture royale de Beauvais met sur métier une tenture des Grotesques à fond jaune comprenant six sujets inspirés de l’œuvre du peintre ornemaniste de Louis XIV, Jean Berain Ier, dont cet éléphant.
Le succès est retentissant de sorte que la tenture fut tissée à plusieurs reprises jusque vers 1730. Du musée du Louvre au musée des tapisseries d’Aix-en-Provence, en passant par le Metropolitan Museum de New York, de nombreuses collections se sont emparées de ces Grotesques à succès, sortis de la manufacture royale de Beauvais. L’Éléphant, ici, fait partie des six sujets –L’Offrande à Pan, L’Offrande à Bacchus, Les Musiciens, Le Dromadaire et Le Dompteur – tissés et agrémentés de neuf bordures différentes, à fond tabac d’Espagne ou fond jaune, sur des cartons de Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699), inspirés de Jean Berain Ier (1640-1711), dessinateur de la chambre et du cabinet du Roi. Les dimensions – 2,75 à 3,57 m – et les agencements étaient amenés à varier en fonction des demandes : on dénombre de multiples combinaisons et variantes à partir d’un thème central, ce qui explique qu’il y ait des différences dans le décor pour un seul et même sujet. Notre tapisserie à l’éléphant, en laine et soie, représente, sur fond tabac, une composition complexe et « grotesque », ensemble de musiciens dansants et d’un homme à la trompette assis sur le dos d’un éléphant couvert d’un tapis à lambrequins. La scène s’inscrit dans une perspective à dallage, rythmée d’architectures à dais et de colonnades à sphinges allongées, agrémentée de pampres, carquois, draperies, guirlandes fleuries et feuillagées. La bordure chinoisante est caractéristique des motifs dits « à la Berain », sur fond crème de paons, corbeilles fleuries, rinceaux feuillagés, cassolette, encore encadrée d’entrelacs centrés d’oves ou d’une frise de feuilles d’eau. Le thème des grotesques est populaire depuis sa première apparition dans la tenture de l’Acte des Apôtres d’après Giovanni da Udine, élève de Raphaël, tissée à Bruxelles aux environs de 1520 pour le pape Léon X. Son immense succès poussa la Manufacture des Gobelins à s’en inspirer pour celle intitulée Les Triomphes des dieux, tissée pour Louis XIV en 1687. Le roi semble avoir été conquis par ces tentures : nous savons qu’au moins trois séries de grotesques furent livrées à la famille royale, dont une première en 1696 pour le service de Marly et une autre pour le comte de Toulouse –fils légitimé du Roi-Soleil – pour son château de Rambouillet. Plébiscitée pour ces pièces, la Manufacture de Beauvais créa, par la suite, ses propres grotesques afin de répondre à l’intérêt croissant pour le sujet.